Point de vue de l’expert
Portrait des grandes tendances de l’économie et des marchés dressé par notre expert.
Michel Doucet
Vice-président et
gestionnaire de portefeuille
La souris dans la pièce : l’inflation!
La pandémie a déclenché une crise sanitaire et économique d’ampleur historique puis une réponse exceptionnelle des autorités publiques pour endiguer la COVID-19, soutenir les ménages et les entreprises et préserver la liquidité ainsi que les acquis de production. Les grandes banques centrales ont déployé des mesures monétaires inédites, confirmant qu’il n’y a pas de limite à leur action. Selon le FMI, les annonces concertées des gouvernements sont estimées à 3 300 milliards $ mondialement, poussant le déficit budgétaire cumulé des pays de 3,7 % en 2019 à 9,9 % du PIB en 2020. En Amérique du Nord, ce déficit pourrait dépasser 15 % aux États-Unis et 12 % au Canada. En attendant qu’une reprise soutenue s’articule et que les entreprises réintègrent les chômeurs temporaires, les autorités publiques poursuivront leur action. Aux États-Unis, la Chambre des représentants, à majorité démocrate, a proposé mardi dernier un plan de relance estimé à 3 000 milliards $, dépassant de près de 1 000 milliards $ celui adopté en mars. Au Canada, les annonces de soutien aux ménages et aux entreprises sont presque quotidiennes.
Selon le FMI, cet engagement verra la dette brute des économies avancées évoluer de 105,2 % du PIB en 2019 à 122,4 % en 2020 ainsi que de 109 % à 131 % aux États-Unis et de 89 % à 110 % au Canada. Une croissance marquée, mais les gouvernements avaient-ils le choix de faire autrement?
Ce qui nous ramène à l’épineuse question du retour à l’équilibre budgétaire et de la gestion de la dette. La semaine dernière, nous avons parlé de la gestion de la dette, notamment avec un taux réel d’intérêt négatif. Cette solution repose sur l’hypothèse d’un contrôle de la courbe des taux d’intérêt nominaux et d’une croissance durable de l’inflation supérieure à la cible.
Pour stabiliser le ratio dette/PIB aux États-Unis, Credit Suisse estime que le taux d’intérêt réel devrait être d’environ -4 %. Cela suppose un taux des obligations fédérales de dix ans à 0 % et un taux d’inflation de 4 %. À quand remonte un tel taux d’inflation ? À octobre 2008 ! Au Canada ? À mars 2003 !
Cette semaine, nous examinons la question de l’inflation au Canada. L’inflation est une mesure de la hausse du prix des biens et des services. Plusieurs facteurs influencent l’évolution des prix dont l’offre et la demande (facilité ou difficulté à se procurer un produit), le coût de la main-d’oeuvre et des matières premières, la concurrence sur le marché de l’offre et l’orientation des politiques publiques.
L’inflation présente un portrait global des prix. Pour la mesurer, Statistique Canada suit les prix d’une liste exhaustive de biens et de services et mesure la variation des prix payés par les consommateurs avec l’Indice des prix à la consommation (IPC). Ce n’est pas la seule mesure de l’inflation au Canada, mais elle est assurément la plus utilisée.
Concrètement, la variation de l’IPC influence l’orientation des salaires et des loyers ainsi que l’indexation des pensions, des dépenses et des tarifs (dont l’électricité). « C’est lorsque l’inflation est stable et prévisible que l’économie fonctionne le mieux », estime la Banque du Canada (BdC). Pour l’entreprise ou le ménage qui prépare son budget, il est important de pouvoir estimer la variation des coûts d’une année à l’autre.
Pour assurer la stabilité et la prévisibilité de l’inflation, la BdC et le gouvernement du Canada ont adopté un régime de ciblage dès 1991. La cible de maîtrise de l’inflation avait pour objectif de maintenir à moyen terme l’IPC à 2 %, soit au point médian d’une fourchette de 1 à 3 %.
Pourquoi 2 %? Initialement, l’objectif était de faire tendre l’inflation qui était d’environ 5 % à la fin de 1990 vers 2 % durablement. Pour y arriver et faciliter la stabilité des prix, la BdC devait influencer les attentes à long terme des ménages et des entreprises. En adoptant un régime de ciblage, la BdC allait faire d’une pierre deux coups. Bref, il n’y avait rien de scientifique à cette cible de 2 %. Lorsque la période d’application a été prolongée en 1998, la BdC a jugé stratégique de mesurer l’effet de la stabilité des prix sur un cycle complet. Comme cette cible a bien fonctionné, elle a été réitérée en 2001, en 2006, en 2011 et en 2016. Demandez à un locataire, un travailleur ou une entreprise à quelle augmentation des prix il s’attend, il vous répondra probablement 2 %. Comme quoi l’adoption d’une cible officielle a contribué à influencer les attentes à long terme.
Pourquoi pas zéro ? Les motifs habituellement invoqués par la BdC sont les suivants : les problèmes causés par la contrainte de non-négativité des taux d’intérêt; la difficulté de mesurer l’inflation avec précision et la rigidité à la baisse des salaires, qui pourrait nuire à l’ajustement du marché du travail. Le principal argument était l’impossibilité pour les taux d’intérêt de descendre sous zéro. Or, cet argument qui ne tient plus vu les taux directeurs négatifs et le stock de dettes gouvernementales à taux négatif (environ 12 000 milliards $ mondialement) dans plusieurs pays. Même aux États-Unis, le taux des bons du Trésor à 1 et 3 mois est descendu sous 0 % le 25 mars dernier.
Pourquoi pas 4 % ? Si le chiffre de 2 % est devenu une cible stable et prévisible, qu’est-ce qui empêcherait 3 %, voire 4 %, de le devenir? Se poser la question, c’est un peu y répondre. Si la démarche des autorités est claire et bien expliquée, les acteurs économiques s’adapteront. Fidèle à son mandat de stabilité des prix, la BdC ajustera son taux directeur, soit en l’augmentant soit en l’abaissant pour atteindre la cible.
La souris dans la pièce ? L’inflation. Depuis 2010, elle se situe à 1,7 % en moyenne au Canada. Elle est montée brièvement au-dessus de 3 % en 2011 et s’en est approchée en 2018. Actuellement, elle est inférieure à 1 %. Ailleurs dans le monde, d’autres pays, dont le Japon, ont tenté en vain de la ramener durablement à 2 %.
Qu’est-ce qui fera monter l’inflation au-delà des 3 % ? Voilà la véritable question. Quelques pistes de réflexion : la démondialisation des chaînes d’approvisionnement, la production locale de biens, l’augmentation des coûts de production, dont les salaires, l’inflation monétaire et budgétaire et, pourquoi pas, l’argent hélicoptère.
Si le taux d’intérêt réel à long terme est déjà négatif avec une inflation inférieure à 1 %, imaginez l’effet sur la gestion de la dette si l’inflation tendait vers 2 %, 3 % ou 4 %? Comme au Japon et dans divers pays européens, il est envisageable que les taux d’intérêt réels longs soient aussi négatifs au Canada.
Pour les porteurs d’obligations, cela impliquerait une perte de pouvoir d’achat. Pour les emprunteurs, cela équivaudrait à rembourser avec un dollar dont le pouvoir d’achat dans le temps sera inférieur à celui d’aujourd’hui. Par exemple, 1 000 000 $ aujourd’hui pourraient valoir 817 000 $ dans dix ans, avec un taux d’intérêt réel de -2 % et 665 000 $ s’il était de -4 %. Des économies substantielles pour les gouvernements, mais aussi une perte pour l’épargnant.
L’économie en bref
Au Canada, les ventes des manufacturiers ont diminué de 9,2 % en mars. Il s’agit de la réduction mensuelle la plus importante depuis décembre 2008. Le Québec se démarque, avec une baisse moins prononcée que la moyenne nationale, soit 4,1 %. Les ventes de maisons existantes se sont affaissées de 56,8 % en avril, un nouveau record. Les prix ont reculé de 0,6 % en avril, mais la variation sur un an s’élève à 6,4 %.
Aux États-Unis, le commerce de détail a connu une baisse record de 16,4 % en avril et de 17,2 %, si on exclut l’automobile. La production industrielle a chuté de 13,7 % en avril, du jamais vu depuis 1919. Le taux d’utilisation des capacités a glissé jusqu’à un bas inégalé depuis 1967 à 64,9 % en avril. Pour le secteur manufacturier, le taux d’utilisation des capacités se situait à 61,1 %, un nouveau record. Les demandes initiales d’allocations de chômage ont augmenté de 3 millions, portant le nombre total à 36,5 millions depuis huit semaines. L’IPC a reculé de 0,8 % en avril et de 0,4 %, si on exclut les aliments et l’énergie (+0,3 % et +1,4 % en variation annuelle). Enfin, la confiance des consommateurs s’est améliorée selon l’indice de l’Université du Michigan.
Marchés boursiers en bref
Vendredi dernier, le S&P 500 a clôturé la semaine en baisse de 2,25 %. Le Nasdaq s’est maintenu la tête hors de l’eau depuis le début de l’année (+0,47 %) malgré une baisse hebdomadaire de 1,17 %. Au Canada, le TSX a clôturé en baisse de 2,19 %. L’or a terminé la semaine à 1 743 $ l’once.
Marché obligataire en bref
Les obligations canadiennes ont connu une semaine nuancée, affichant un modeste recul de 0,1 %. L’indice des obligations universelles FTSE Canada présente un gain de 5,31 % depuis le début de l’année. Le dollar canadien a terminé la semaine à 1,410 $ pour 1 USD.
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